Odette et
Michel Neumayer en coopération avec Antoinette Battistelli,
Marc Lasserre, Christiane Rambaud. Préface de Joëlle
Gonthier.
"Pratiquer le dialogue arts plastiques - écriture.
Quinze ateliers pour l'Éducation Nouvelle"
Éditions Chronique Sociale, 256 pages, 18 € 70
Juin 2005
ISBN 2-85008-582-0
Extraits...
Un autre
rapport à l’art et à la création
Le cercle des amateurs, curieux d’art et de création, s’élargit de nos
jours. Les grandes expositions se multiplient de par le monde et
attirent des foules de plus en plus imposantes. Dans ces cathédrales de
la création que sont devenus les musées nationaux, les fondations, les
biennales, d’innombrables œuvres sont désormais accessibles. Sans se
prétendre plasticien, on peut se cultiver et se distraire aussi. On peut
être en contact direct avec les œuvres, déjà plus ou moins connues par
les livres, les catalogues, les médias. Des œuvres de tous genres, de
toutes époques et civilisations. On veut s’émouvoir, être surpris. On
veut s’instruire. L’art devient un langage universel et sa vulgarisation
un enjeu marchand. Ce livre,
en mettant l’accent sur la production au sein d’entités modestes,
appelées « ateliers », plutôt que sur la rencontre d’œuvres dans le
cadre de rétrospectives et autres expositions bilan, s’inscrit en
décalage de ce mouvement général, en rupture parfois aussi. Il
privilégie la réflexion sans nier l’émotion. Son objet n’est pas
l’instruction mais la problématisation : comment un sujet qui produit
prend-il conscience de ses compétences à produire et transforme-t-il
l’image qu’il a de lui-même ? Quel rôle joue le groupe dans un travail
qui reste, malgré toutes les apparences, d’abord le fait d’un sujet
singulier qui agit, se questionne et tente de comprendre ce qu’il fait ?
En quoi, le recours à la tradition, la fréquentation des œuvres de
peintres connus, anciens ou modernes, sont-ils utiles à l’émancipation ?
Cet ouvrage s’adresse donc à ceux pour
qui création et culture ne sont pas forcément synonymes de consommation,
qui veulent comprendre de l’intérieur et ne pas se satisfaire de
discours prêts à l’emploi. Qu’ils soient étudiants, enseignants,
animateurs, responsables de structures sociales ou culturelles, ou
simples citoyens curieux, notre souhait est que tous trouvent ici de
quoi alimenter leur réflexion sur l’innovation et la recherche en arts,
en pédagogie, à propos de formes de travail collectif. Certains ont déjà
vécu des ateliers et voudraient en comprendre après coup les arcanes.
D’autres souhaiteraient s’initier à une pensée et une manière d’agir qui
puisent leurs ressources dans les écrits de créateurs contemporains et
prennent appui sur les partis pris de l’Éducation Nouvelle. Ils
voudraient savoir comment le « Tous capables » se concrétise et au moyen
de quelles pratiques. D’autres encore cherchent des outils à réutiliser
avec leurs groupes, leurs classes, leurs équipes.
Hannah Arendt affirme, «[...]
L’art devient sans opposition possible de l’art de pacotille dès qu’il
se dissocie du système des valeurs qui le dirige [...]», et cette
phrase ne cesse de nous faire réfléchir à la raison même des ateliers de
création. Elle nous semble de nature à réunir auteurs, lecteurs,
concepteurs et participants autour d’une conviction à argumenter et à
partager.
Le dialogue
arts plastiques - écriture
Ce livre s’inscrit dans la culture des ateliers d’écriture. Il en
emprunte le dispositif, un certain déroulé des consignes, un rapport
distancié et calculé à la production. Il se fond dans une forme qui a
fait ses preuves. Les matériaux ont changé mais l’approche reste la
même. Les inducteurs et les problématiques diffèrent parfois, mais les
questions demeurent car le champ de la création est Un et suscite des
questions proches : quelle relation l’homme entretient-il avec ce qu’il
produit, écrits ou productions plastiques confondus ? Comment et
pourquoi produit-il ? En quoi son rapport au monde et à lui-même se
trouve-il métamorphosé, voire bouleversé, du fait même de produire, de
projeter et d’assumer une trace, quelque chose qui le dépasse, au-delà
de ses propres limites ? Au
fil des ateliers, entre écriture et arts plastiques une sorte d’osmose
s’est faite. Á l’insu des inventeurs, ou presque. En décidant, des
années après, de formaliser l’expérience et de donner à voir à d’autres
un trésor de pratiques patiemment accumulées, des singularités sont
apparues : l’introduction quasi systématique de moments d’écriture dans
ce qui au départ n’était dédié qu’aux arts plastiques ; un lire-écrire
qui, marginal en ses débuts, prend de plus en plus de poids ; une sorte
d’aller-retour qui s’instaure entre deux pratiques, souvent perçues
comme antinomiques. Du coup, ces échanges, fortuits à l’origine et par
le fait même que les ateliers étaient conçus par un groupe composite5,
finirent par faire heureusement question. La problématique ayant été
identifiée, il fallait la déplier. Les bases de ce livre étaient posées.
Quelle serait au fond la bonne
expression pour désigner notre objet de travail ? Croisement,
accompagnement, mariage, cohabitation, miroir, passages… autant de
termes décrivant une relation de réciprocité, impliquant une action
chaque fois différente d’un champ sur l’autre. Nous avons choisi :
pratiquer le dialogue. C’est cela qui, de notre point de vue, désigne le
mieux des correspondances, des divergences, des échos qui unissent deux
pratiques menées conjointement. Ni servantes l’une de l’autre, ni faire
valoir, mais champs communs de création et modes de construction de la
pensée...
(Extrait de l'introduction)
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