Filigranes N°103
"Sur la corde raide"
Automne 2019

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Cursives

 

"Sur la corde raide"

                       ("Les quat' z'arts" Vol 2)

 

 

"J'appelle poésie un conflit de la bouche et du vent, la confusion du dire et du taire, une consternation du temps, la déroute absolue
J'appelle poésie aussi bien le cri que le plaisir arrache ou la phrase écrasée avec une pierre
J'appelle poésie à la fois ceux qui me demandent d'être compris et ceux qui exigent la révolte de l'oreille"

                                                          Louis Aragon, Le Fou d’Elsa

 

 

Pourquoi aimons-nous l'écriture ?

 

Si en ce début de siècle nouveau, la lecture semble devenue chose courante, l'écriture en revanche reste en retrait. Celles et ceux qui s'y adonnent sont certes nombreux mais aujourd'hui encore convenons qu'écrire (d'une autre manière que lire) nous sépare des autres. "Tu vas commencer le nouveau roman d'Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur. Détends-toi. Concentre-toi. Écarte de toi tout autre pensée. Laisse le monde qui t'entoure s'estomper dans le vague. La porte, il vaut mieux la fermer ; de l'autre côté, la télévision est toujours allumée. Dis-le tout de suite aux autres : non je ne veux pas regarder la télévision (…)" écrivait en son temps Italo Calvino.  

 

La séparation que l'écriture provoque est complexe à cerner. Tout à la fois encensée, portée aux nues et mal vue, l'écriture perturbe l'ordre des choses. Oui, écrivant nous franchissons des lignes. Nous nous séparons à plus d'un titre : du commun, du temps présent, des sociabilités ordinaires.

 

Ils n'aiment pas, nos proches, que nous nous abstrayions du présent, que nous nous vouions à quelque pratique obscure appelée "écrire", qu'à l'écoute de ce qui fait monde en nous, nous nous dérobions de leur regard, fuyant pour un temps le commun.

 

Confiée à la nuit, aux carnets intimes, aux "amis" des réseaux sociaux, aux amants, l'écriture requiert le secret. À la fréquenter, nous nous mettons en danger : vis-à-vis de nous-mêmes autant que des autres. Tout texte est miroir !

 

L'image qu'il nous renvoie nous fige quand nous nous voulions mouvement. Elle nous assigne à un ordre, nous confine à une place quand, nous mirant en elle, c'est au contraire le bouillonnement qui fait loi et nous envahit parfois. Son effet semble de cadre et de clôture, mais ne nous y trompons pas, c'est un leurre que l'identité racine agite sous nos yeux.

 

Écrire est un pacte ouvert par lequel nous nous engageons. Certes, à chaque phrase, à chaque mot, nous négocions : vouloir contrôler le dire, qui le peut ? Laisser advenir le texte, mais jusqu'en quel point, dans quelles limites ? En maintenir le mystère, la part secrète, la part maudite, mais alors pourquoi écrire et publier ?

 

Notre pari, notre unique recours est de laisser émerger le sens. De ne pas craindre l'effervescence et jusqu'au possible malentendu mais de nous savoir en compagnie : réunis sous un même toit, nous nouons nos textes, nous nous arrimons aux autres, corde souple. Ils nous sécurisent. Ensemble, nous faisons société.

 

Si notre défi est de tenter de border le réel, de confier à la main le soin de le déposer sur la page sans l'enserrer, de le traduire et déplacer afin qu'il dure et peut-être nous fasse exister dans d'inattendues temporalités, vous, nos lecteurs, êtes alors nos inestimables alliés !

 

           

                                                          MN (octobre 2019)

 

 

 

Éditorial

 

AU FIL DE L'EAU

Nicole DIGIER L'art du funambule

Michèle MONTE Voix dans l'obscur

Arlette ANAVE Indiscrétion

Marie-Christiane RAYGOT Ariette

Michel NEUMAYER Bec de l'aigle

 

NE TIENT QU'À UN FIL

Annie CHRISTAU  La note fécondée

Anne-Marie SUIRE  Prendre note

Paul FENOULT Entroublimminence

Jeannine ANZIANI Émotion brute

 

À CŒUR ET À CRI

Laure-Anne FILLIAS Still-life-to-be

Teresa ASSUDE Dissonances

Pascale LASSABLIÈRE Colère de femme

Xavier LAINÉ Tout n'est que déchirure

Chantal ARAKEL Traumatisme

Antoine DURIN Le bémol

Natalie RASSON Prise de notes

 

CURSIVES

"La peinture, c'est une surface qui interroge

la profondeur",
une rencontre avec Serge PLAGNOL

 

 ARACHNÉEN

Pierre MORENS Elle m'a cloué le bec

Cathy JURADO Hassan Echaïr

Claude BARRÈRE À nous joindre

Martine GASSEL  La symphonie des écoutants

Chantal BLANC Parole à trois voix

Marie-Noëlle HOPITAL La coupe 

 

SONNANT DISSONNANT

Claude OLLIVE Du tac au tac

Jean-Jacques MAREDI Concert de musique contemporaine

MÜ Casual quasar

Anne-Claude THEVAND Symphonie en cœur majeur

Françoise SALAMAND-PARKER Tintamarre

 

 

Les illustrations - Couverture & p.18 - 37 - 48 -  

de ce numéro sont de Serge PLAGNOL

peintre et ancien professeur aux Beaux-Arts de Nîmes28

 



   

 

 

 

FILIGRANES  (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers.

(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte.