Table des matières

"La matière de l'écriture" vol (2016)


"C'est que l'écriture est toujours précédée par autre chose qu'elle-même…"
G-A. Goldschmidt(1), auteur et traducteur

Il y aurait donc un avant… et un après.
Les mots, les phrases, le texte, appelons-les l'après.
Mais que dire de l'avant ? Un réservoir d'expériences, un socle, un point d'appui, que ce non-encore-nommé ? C'est un fait, l'informulé appelle. Il convie à la création. Il presse l'auteur en gésine : fais-moi corps et donne-moi vie. Cela s'appelle désir.

Entendons-le. Convions à notre table cette matière en pointillés et, feignant d'y croire, relevons le défi. Nommons le mystère. Inventorions, cataloguons, démêlons, disposons. En un mot : déposons ! Mais ne soyons pas dupes. Ce qui émerge de ce dénombrement ne sont encore que de fragiles nidifications. Mais déjà la fiction est productive. On forge. On croit à l'artefact. On entre en discussion.

* * *

De quoi traitons-nous ? D'enfance, d'amour, de perte… de livres, de peintures, de musiques… de voyages, de rencontres, de surprises… Cette matière que de texte en texte nous invoquons, c'est nous ! Un trésor de joies et de peines, de creux et de bosses dans lequel nous puisons. Une mémoire en strates. Nous l'invoquons, la configurons, la dégageons de sa gangue. Nous la transformons.

Mais prenons garde. "À chaque mot que j'écris, dit le poète (2), à chaque pensée nouvelle qui me vient et que je note, s'ajoutent, se lient, s'unissent d'autres mots, de nouvelles pensées, suscitées par les premières (…) Qui, avant même d'écrire, sait déjà ce qu'il veut, ce qu'il pense ? Qui connaît par avance les contrées imprévues vers lesquelles son travail le conduira ?"

* * *

La langue, donc. Forme d'avant la forme. Quelle part lui faire dans l'avant ? Écrivant, parlant, pensant, elle nous inscrit dans l'histoire des signes et des symboles. Elle assigne à chacun une place. Certes, elle charrie le déjà-là, le déjà-dit mais, taquine, elle invite à pousser plus loin. La voilà qui, nous portant, nous emporte. N'existant que d'être travaillée, si c'était elle, en la matière, qui menait la danse, donnant le "la" ?

* * *

Qu'importe. Reprenons l'ouvrage et résistons. Écrivons, lisons. Relisons-nous. Polissons les mots. Lustrons. Fourbissons. Viendra l'heure où, enfin, nous discernerons non la matière elle-même mais le trouble qu'elle suscite en nous, son effet de sidération. Car inappréciable et mystérieux est le double registre du visible et du caché, de la surface et du fond. Insondable, le réel. Sans fin, son clignement.

* * *

Vois, lecteur, dans le miroir de mes mots, de mes rythmes, de mes assemblages, ce qui me traverse. Classés, ordonnés, listés, je te les confie. Fais-en usage, mais sache que, déjà, je suis plus loin. Cherche l'esprit sous la lettre, la chair sous la peau … mais d'abord, viens ! Quitte la table ! Rejoins moi dans le tohu-bohu de la vie.

Filigranes (M.N.)

(1) Georges Arthur Goldschmidt est auteur et traducteur.
Il a publié La matière de l'écriture (Circé 1997), ouvrage qui a fortement inspiré
le choix du thème 2016-2017 de la revue.

(2) Yves Bonnefoy (France-Culture, juin 2016)

 FILIGRANES
Éditorial

PONCTUATIONS

À TIROIRS

CURSIVES

Écrire l'histoire: "Le Dictionnaire des Marseillaises"

Un entretien avec Hélène Echinard, historienne, autour d'une activité d'écriture
dédiée aux femmes de Provence et donc du monde…

MUTATIONS

Michèle MONTE, Hylé
Jean-Jacques MAREDI, Unis vers l'univers
Claude BARRERE, Où le regard jette son trémail
Pascale LASSABLIERE, Matière sur la table
Pierre MORENS, À même la peau

DANS LE CHAUDRON

Geneviève BERTRAND, Paysage noir sur fond blanc
Chantal BLANC, Vivant-dit
Xavier LAINÉ, Dessous la lave
Natalie RASSON, Addiction volontaire
Paul FENOULT, À l'affurtif
Marie-Christiane RAYGOT, À chaque mot que je n'aurai pas dit

AUX LIMITES

Christian ALIX, Estran
Hubert LE BOISSELIER, Tourner les mots
Michel NEUMAYER, Ne dis rien
Annie CRISTAU, Eau sans voyelle

Les graphismes de couverture & des pages 32 - 40 - 50
sont d'Anne-Marie SUIRE