Filigranes N°95
"L'échappée belle"
Mars 2017

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"L'échappée belle"

Connaîs ton code et garde ce qui peut être gardé.
Détourne-toi des rusés aux longues oreilles.
Dans les plus anciens contes du monde,
l'importance particulière des secrets à garder est constamment signalée.
Le danger de la divulgation, l'as-tu oublié ?
Henri Michaux, Poteaux d'angle

"L'échappée belle", c'est un désir profond. Un rêve qui pousse loin : prendre le large, larguer les amarres, ôter de nos vies la terre, le plomb, le fardeau des mauvais souvenirs, les enfermements. "L'échappée belle", c'est le mensonge des voyagistes, l'illusion d'un monde rien que de couleurs qui, de nos lassitudes, nous déferait. "L'échappée belle", c'est la plage sous les pavés, la liberté espérée et parfois même recouvrée. C'est un maelström aussi : vivre, survivre, s'extraire de la Jungle d'un monde sourd à la douleur. Cela aspire et emporte. Cela met en danger et — paradoxe aventureux — donne matière à créer.

* * *

Écrire — en comparaison — a tout du sucre lent. Sur son carré de feuilles blanches, l'écrivant, fendeur de signes et de sillons, cultive le mystère des semailles. Il compose. Il pactise et se rend au lent sommeil des gestations. Il attend. Il espère.

Vient le jour où, définitivement inachevé, le texte enfin fait signe. Il veut entrer sur scène, demande à être lu sous les spotlights. Aspiré, disséqué, aimé, voire mis à nu. "Mettre les voiles", c'est son cri et sortir jusqu'au matin !

Nous voilà, nous ses géniteurs, devant le choix : vivre le désarroi des séparations, connaître la mélancolie d'un deuil ? Ou sacrifier à l'ivresse d'une inavouable délivrance ? Dilemme.

Retrait du désir, peut-être, mais déjà floraison d'envies : celles de capturer dans nos filets de nouveaux papillons, d'autres faire, d'insoupçonnés combats. "Qu'ils partent donc, nos textes…", proclamons-nous, dépités mais pleins d'espoirs ! Qu'ils prennent leur envol. Qu'ils fassent leur vie, ces condensés d'opacité que nous lançons à la face du monde ! Mais surtout que la Rencontre soit leur alpha et l'oméga, leur festin, leur assomption.

* * *

Visages, objets, parcours, stations que nous décrivons. Sans vous, nos déchiffreurs, nos lecteurs, écrire ne nous augmenterait que de ces pauvres significations que nous croyons déposer dans nos mots, dans notre solitude.

Foin alors de la chimère contrôleuse de sens ! Souffrons que l'égalité de vous à nous soit l'horizon ; que l'utopie prenne corps ; que l'alliance se noue. Que l'imprédible partage du sensible* auquel ensemble nous sommes conviés soit notre loi .

Au-delà du point final, une deuxième vie s'écrit. Un nouveau texte prend son élan. C'est un risque. Il demande à s'éprouver !

Filigranes (MN) 28 mars 2017

 

* "Ne pourrait-on pas inverser les termes du problème en demandant si ce n'est pas justement la volonté de supprimer la distance qui crée la distance ? Ces oppositions [auteur VS lecteur] définissent un partage du sensible, une distribution a priori des positions et des (in)capacités qui sont les allégories incarnées de l'inégalité. (…) L'émancipation commence quand on [les] remet en question".
Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique édition.

 

 

L'échappée belle
"La matière de l'écriture" Vol.3

FILIGRANES Éditorial

CE QUI ADVIENT

Jean-Charles PAILLET On construit sa vie
Annie CHRISTAU Passage
Claude BARRÈRE À toute naissance
Olivier BLACHE État second
Claude OLLIVE L'enfer alchimique
Dominique DUPRIEZ Comme toujours



BULLES ET BOUILLONS

Valère KALETKA Il manque
Paul FENOULT Fumées
Jeannine ANZIANI Rien ne se perd…
Jean-Jacques MAREDI Faux départs
Hubert BOISSELIER J'ai choisi l'étendue



CURSIVES

"Rendre à l'arbre son écorce…"
Carte blanche à Cathy Sforzi. Travail plastique à partir de photos dans l'épaisseur des écorces. 20

OÙ JE PUISE

Teresa ASSUDE Saisissements
Arlette ANAVE Lentement, le tram
Ferrucio BRUGNARO Refus de privations
Anne-Marie BERNAD Deux textes
Nicole DIGIER Niklos dans tous ses états
Jean-François MARIOTTI Mal
Omar AUGUSTIN Le village

REBONDS

Sylvie PROLONGE Heureuse, celle qui
Damien PAISANT Nuit blanche
Chantal BLANC Ma boite de Pandore
Annie SKRHAK Voyage en abîme
Irène PHILIPPIN Les ports des trouble-fêtes
Michèle MONTE L'effraie
Françoise SALAMAND-PARKER Faux sonnet
Georges XUEREB Instants sidéraux

VERS LE LARGE

Marie-Noëlle HOPITAL Le sentiment d'exil
Marie-Christiane RAYGOT Soir
Michel NEUMAYER Cycle
Raski BELDJOUDI Partir
Xavier LAINÉ Ne sais d'où s'en viennent

 

Les graphismes de couverture et CURSIVES sont
de Cathy SFORZI

 

   

 

 

 

FILIGRANES  (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers.

(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte.