Du
flou de l'origine à l'énigme de notre disparition, notre vie se passe
à apprivoiser l'obscur, en nous et autour de nous. Parfois
l’incompréhension s'étend, gagne les confins du monde, s’installe et
rampe jusqu'à l'avenir, jusqu'à la solitude.
Vouloir donner un contour à cette impression trouble, la cerner, la
reconnaître, la nommer, tout cela pour la mettre en partage, voilà
bien le paradoxe d'esprits raisonnables, appelant à la rescousse
l’imaginaire, l’intuition, le poème.
L'obscur, nous l'avons décliné de bien des façons.
Nous avons tenté d'étreindre, par un acte de parole, ce qui n'a pas
d'objet déclaré ou déclarable, la trace d'un désir appelant un autre
désir, la fugacité d'une perception. Curieux de ce qui adviendra de
cette intime négociation entre l'ombre et la lumière, de ce que
l'écriture pourra en dévoiler.
Nous avons tenté de formuler ce qui échappe et ne s'explique pas ; qui
est absurde comme la souffrance ; beau comme la musique ; ce qu'il
faut avoir le courage d'oser regarder et affronter…
Des expériences ont été masquées de mots, les mots, ne sont-ils pas
des leurres ? Nous les disons lumineux et par nature, chargés de sens,
de significations. Et pourtant, l'obscur ne se partage pas. Même fixé
dans un texte, il gardera toujours sa part de mystère.
Chaque lecteur qui en fera son bien l'affectera d'incertitudes ou de
clartés inattendues, reconnaîtra ce qui en lui résiste et résiste
aussi en moi.
Peut-être y aura-t-il communion, dans le sens d'épiphanie poétique ?