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Edito
"Je,
soussigné(e)…"
Si
elle avait le loisir de parler, la signature, cet abrégé de l'être,
dirait sans doute : regardez bien qui je suis, qui je signe ! Je suis apposée
là pour donner corps à des savoirs qu'à peine vous soupçonnez.
Regardez-moi, voyez ce blanc territoire, balisé de mes alphabets en un ordre
étudié, expertisé. Voyez ces grammes qui scellent mon accord. Cet agrégat
de signes accolés, emmêlés, bousculés marque un non-retour car tout se
passe au-delà ou en deçà.
Observez
le jeu de miroir. Comparez ! Est-ce bien la même personne, celle qui
s'annonce au début du texte et celle qui clôt de son sceau le bas de la page ?
Le "Je" du commencement est-il sorti indemne de l'écriture,
hasardeux parcours dans la langue ? L'identité déclinée n'a-t-elle pas
souffert des assauts du sens ? La reconnaissance de soi a-t-elle eu lieu dans
l'entredeux ? S'est-elle réalisée dans la difficulté de l'enfantement ou
dans la jouissance de l'engagement ?
Qu'elle
soit infâme gribouillis ou de la plus belle eau, la signature symbolise un
sujet, qui, par la présente, affirme qu'il s'investit, qu'il lègue, qu'il
convoque ou assigne… Mais il est des héritages voulus et d'autres pas, des
filiations, souhaitées et d'autres récusées.
Force
nous est faite souvent - parce qu'entre-temps, il y a eu la vie, la nuit, les
rêves - de devoir réinventer notre histoire, de replacer les événements
dans une configuration, chaque fois un peu la même, chaque fois un peu une
autre.
Heureux
qui connaît le bonheur du paraphe souple et aisé, son automaticité, son
allant de soi prolongé jusqu'au point final ou jusqu'au trait soigneux et
fondateur.
À
celui qui n'a jamais su, on trempera l'index dans l'encre et sa peau parlera
pour lui, attestant qu'il est unique, qu'il est celui-là et pas un autre,
qu'il est reconnu pour être celui qu'il prétend être : l'anonyme.
Sans
cesse, la question de confiance est posée. Face à Je, soussigné(e)…, et
à cette trace qui le rassemble, qui lui ressemble, il revient au regard de
l'autre, des autres, de confirmer ou non l'authenticité, d'accorder ou non le
crédit. Il faut une communauté de nous pour accueillir celui qui ose dire :
c'est moi !
Lu et approuvé. Nous soussignés,
Odette et Michel NEUMAYER
Carnoux en Provence, le 13/12/02
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FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat.
"filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou
or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en
transparence dans certains papiers.
(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas
explicitement dit dans le texte.
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