Coûte que coûte

Filigranes N°92
"Coûte que coûte"
Mars 2016

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Édito

"Impose ta chance, serre ton bonheur
et va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront."
René Char, poète et résistant.

Trois mots sonnent comme un coup de gong.

Muss es sein ? Es muss sein ! (*) Trois mots seulement, mais mille et une prises de risques dérobées au regard, enfouies dans le secret des consciences. Trois mots et tout bascule, des pans entiers de vies qui bougent. Trois mots et l'espoir qui renait, une autre vie entrevue, possible, espérée.

Trois mots mais une kyrielle de paradoxes : fragile, l'étincelle ; sourde, la clameur ; irrépressible, le besoin ; incertain, le mouvement ; fou, le pari. Tout cela, quel qu'en soit le prix, car c'est bien de prix qu'il s'agit.

Des décisions radicales, il en est de toutes sortes. Certaines se disent précautionneusement quand d'autres, crânement, montent au balcon. Ailleurs, elles se cachent et n'aspirent qu'au silence et attendent l'oubli. Terrible Moloch, l'actualité jour après jour en exhibe, en consomme, en jette en pâture. Des plus terribles. Colère, honte, indignation.

Infinie dissemblance des ruptures auxquelles la vie nous convie. En la matière, le champ de l'expérience humaine est sans bornes.

Nous restent à jamais les images : des grillages de Ceuta et Mellila aux sentiers incertains des Balkans ; des camps d'hier aux jungles d'aujourd'hui, tous barbelés confondus, que de peine infligée, que de souffrance vécue, que de courage. Quelle détermination aussi à vivre et folle lucidité !

Alors écrire ? Quand trois mots claquent… et alors que le fléau de la balance penche et indique enfin le chemin… les mots sont-ils déjà là ? Peut-être, mais inarticulés encore, tapis dans la mémoire, car le temps est compté et l'urgence souveraine. Si toute prise de risque est pesée intime, éclair et précipité, comment les évoquer, à quelle aune les mesurer, quelle archive de cet emmêlement imaginer ?

Le témoignage, l'hommage — cette geste d'humilité qui vaut promesse —, l'engagement des acteurs, témoins, survivants, le travail des historiens, tout vient à son heure mais bien plus tard souvent, car l'écriture, d'abord, ronge son frein.

Devant l'énigme, face à la décision, qu'avions-nous d'autre à offrir que nos faibles moyens, quelques phrases griffonnées, une photo, une musique, un fragment ? Et quand enfin le texte survient, arraché au silence, qui en sait le coût ? Qui mesure la dépense ? Qui en assure le sens ?

Il n' y a pas d'oubli. Un jour le poème, l'aveu, le récit, comme un nouveau coup de gong, imposent leur loi. S'ouvrent alors à l'expérience la chambre infinie des échos, le champ de la longue durée : des livres naissent, des recueils se donnent à lire, des albums se transmettent. Un cap est franchi.

Toi le poème,
nous ne nous connaissons pas ou si peu encore.
Tu as des mystères à nous dire, des mondes à nous offrir.
Et peut-être d'abord celui de tes choix ?

Filigranes (MN)
28 février 2016, Plateau des Glières, Genève, Carnoux.

(*) "Cela doit-il être ? Que cela soit !", inscription à la main de Ludwig Van Beethoven dans les marges du 3ème mouvement du quatuor à corde N°16.

 

FILIGRANES

 

Éditorial


C'EST OSER !

Michèle MONTE, Figures du guerrier
Agnès PETIT, Vestiges
Annie CHRISTAU & Fred MALLON, Défie la violence…
Xavier LAINÉ, Dire dans l'urgence
Michel WISNIEVSKI, Le combat
Michèle HOURANI, Désespoir
Anne-Marie SUIRE, L'étreinte

STATUES DE SEL

Geneviève LIAUTARD, Et pourtant
Claude OLLIVE, Ils marchent
Jeannine ANZIANI, Rouge, le ciel ce soir
Jean-Jacques MAREDI, À la guerre comme à la guerre

 

CURSIVES

"L'artothèque du lycée Antonin Artaud"
Une galerie d'art dans un lycée.
Un entretien avec Gérard Fontès, Laure-Anne Fillias-Bensussan,
Marie-Christine Garcin autour d'une vaste entreprise dans laquelle
dialoguent art contemporain et projet pédagogique.

DANS LE LABYRINTHE

Dominique HEBERT, Ma voile unique
Simone ALIÉ-DARAM, Les mains
Christian CASTRY, Traverser la Méditerranée
Monique D'AMORE, Dense, la vie danse
Didier BAZILE, Une calebasse
Ivan de MONTBRISON, Séparation

À DÉCOUVERT, LES MOTS

Paul FENOULT, Lignes d'inconduite
Nicole DIGIER, Couchée… toujours debout
Anne-Marie SOUFFLET, Conjugaison
Chantal BLANC , Alea jacta est
Olivier BLACHE, La petite affiche
Antoine DURIN, Ton silence
Marie-Christiane RAYGOT, Je t'écris
Laurent DUMORTIER, Obscène
Arlette ANAVE, Les mots savent
Michel NEUMAYER, Stabat mater
Claude BARRÈRE, Nous qui
Teresa ASSUDE, Pressé au delà de soi
Odette NEUMAYER, Avant toute chose

Graphismes couverture & Cursives & page 13 - 40 - 54
(c) Artothèque du lycée Artaud (Marseille)

   

 

 

 

FILIGRANES  (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers.

(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte.