Les chantiers de Filigranes
Abouti ? Non abouti ?
 
 


Accueil
Remonter

 

 

 

 

( c) Photo : Anne-Marie Suire
 
 

(Anne-Marie Suire) (2)

 Suite hypertextuelle à "L’Inabouti" (1) : chinée dans l’histoire de la peinture chinoise.  

(N.B. LIENS CLIQUABLES !)


J’avais cru avoir mis un point final à ma contribution au chantier : « Abouti / Inabouti ». Pour autant l’article était-il achevé, l’éternité bien loin. Avait-il exploré toutes les facettes du sujet, fallait-il ajouter encore des pages d’analyses, d’exemples, de commentaires ? Je ne le pensais pas et souhaitais laisser en suspens ce propos pour rendre au lecteur l’initiative de sa propre réflexion. C’est alors que je visitai à Nîmes l’exposition PICASSO - Françoise GILOT, peintre et muse, et découvris dans les mots de l’auteur des tableaux Guernica et Les Demoiselles d’Avignon, l’évidence d’un axiome. Il venait confirmer le principe des observations que j’avais évoquées "que j'avais évoqué dans le fragment ci-dessous " l'inachévement comme style, l'inabouti signe la modernité" dans tout un courant de la peinture occidentale à partir de la fin du XIXème siècle. Écrit sur le mur du musée, on pouvait lire :...": « Si cela était possible, je laisserais (le tableau) tel quel tout en recommençant et en le poursuivant sur une autre toile, il n’y aurait jamais de tableau « achevé » mais seulement des états successifs d’une même peinture…   Finir, exécuter, est-ce que ces mots n’ont pas double sens ? Terminer, c’est aussi achever, tuer, asséner le coup de grâce » PICASSO  à son ami BRASSAÏ. 


J’en serais restée là, satisfaite de constater la confirmation de ma proposition par un artiste aussi emblématique du XXème siècle. Mais à ma grande stupéfaction, remontant les fleuves du temps, parcourant l’espace des continents, sur le chemin exotique de la peinture chinoise, je découvris que l’inachèvement avait été un précepte fructueux dès le IXème  siècle selon les textes très anciens recueillis par l’écrivain et académicien François CHENG. Et, dans cet Extrême-Orient lointain, de constater que longtemps auparavant des peintres avaient considéré l’inachèvement comme une qualité du tableau : « En peinture, on doit éviter le souci d’accomplir un travail trop appliqué et trop fini… C’est pourquoi il ne faut pas craindre l’inachevé, mais plutôt déplorer le trop-achevé »  affirmait CHANG YEN-YUAN dans un ouvrage préfacé en 849, selon François CHENG, dans son livre Souffle-Esprit, un florilège de textes qui présentent les codes, les expériences, les réflexions et le sens de la peinture classique chinoise. En outre, CHANG YEN-YUAN distingue l’inaccompli comme un défaut alors que l’inachevé est à rechercher. Un autre auteur LI JIH-HUAN (lettré de la fin du XVIème début XVIIème siècle) affirme « En peinture, il importe de savoir retenir, mais également de savoir laisser… Cela implique que les coups de pinceaux du peintre s’interrompent (…) pour mieux se charger de sous-entendus… » Il propose que la montagne puisse avoir des « pans non peints », certaines branches manquant à leurs arbres, cela afin qu’ils « demeurent dans un état en devenir, entre être et non-être ».

 
Une question s’est imposée : existait-il un lien entre la tentation de l’inachevé dans la peinture occidentale après 1850 et les pratiques ancestrales de la peinture classique chinoise ? François CHENG donne avec quelques précautions un indice lorsqu’il esquisse un « rapprochement entre cette peinture chinoise classique et la peinture impressionniste ». « C’est bien à partir de la fin du XIXème siècle qu’a commencé la lente interpénétration entre l’Orient et l’Occident » affirme-t-il (Souffle-Esprit p 169).
C’est en effet par la découverte des Estampes japonaises et leur goût devenu une mode, que les peintres impressionnistes et le public vont découvrir l’art de l’Extrême-Orient, la première fois à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855, puis lors de l’ouverture à Paris d’une boutique d’objets exotiques nommée la « Porte Chinoise ». Degas, Manet, Fantin-Latour, Monet, Whistler se nourrissent de cette vision du monde que proposent les estampes et s’en inspirent comme une confirmation de leurs propres recherches. On relève de nombreuses traces de cet engouement dans leurs toiles et chez  Vincent VAN GOGH dans le portrait du Père Tanguy 1887 où le mur est tapissé de ces « chinoiseries »
. Même ce tableau est saturé d’images et n’offre aucune place au vide, comme un démenti à notre propos sur l’inachèvement en peinture, un paysage de 1890 du même Vincent laisse voir un ciel blanc possédé de larges touches bleues comme à l’ébauche : Rue à Auvers.

La question intrigue, pourquoi l’inachèvement avait-t-il été là, en Extrême-Orient un principe positif depuis des lunes et, en Occident, considéré jusqu’à peu comme un défaut, un manque regrettable, un péché de paresse ?
La peinture a toujours tissé des liens profonds avec le sacré, le sens. Quelles conceptions du monde ont donc sous-tendu, dans chacune de ces civilisations,  leurs respectives expressions picturales ?
 L’Occident travaillé par l’idée du démiurge, puis d’un Dieu créateur, ne put se penser sans un début et une fin, une Genèse et un Apocalypse qui seul ouvre, à l’humaine condition, un temps éternel, l’accès à l’infini. Ne pas finir serait, sans doute, se mettre en danger du chaos. 
Au contraire, la pensée Taoïste met le Vide au cœur et à l’origine de l’univers.  Si la peinture chinoise ancienne est un art du trait, en regard de l’écriture idéographique et de la calligraphie, elle est aussi un mode, non seulement d’expression de la spiritualité chinoise,  mais de communication avec l’univers selon la cosmologie du Tao. Pour dire de manière simple : à l’origine est le Vide dont émane le Souffle. Ils interagissent, le Souffle crée le Yin et le Yang, énergie vitale, source des transformations.  Pour le peintre, le Vide « n’est pas une entité inerte », « teinté d’infinies nuances que donne l’encre diluée », il est le « lieu où s’animent et se régénèrent les souffles, où s’opèrent les échangent et les mutations, où le fini débouche sur l’infini » François CHENG. C’est là que peut s’animer la vie, l’énergie du tableau, là qu’un tableau en prolonge un autre pour créer une vision élargie, là dans l’espace  vide, comme inachevé, que le spectateur peut pénétrer avec le peintre la compréhension des liens entre l’Homme et la Nature. Parmi tant d’œuvres d’un grand raffinement et de peintres célèbres, Ma Yuan actif entre 1190 et 1240 (dynastie des Song) se distingue par « l’exploitation originale du vide dans ses compositions » (Encyclopédie de l’Art la Pochothèque p 213)  Ma Yuan - Paysages - Lankaart.

A-M.S.

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

abouti / inabouti

 
 

 

 

(Christiane Lapeyre)

 

Pour un éloge du non-abouti en création

Cela me fait penser à Henri Michaux quand il parle du "triomphe par le ratage même". Voilà un sacré défi intellectuel ! L'inabouti est un élément dynamique fondamental pour tout créateur - tous arts confondus -. Oser les gestes, les mots.
Une fois le travail réalisé, s'apercevoir qu'il y a un écart entre le prescrit et le réel. Au lieu d'être déçu, c'est dans cet écart que chacun peut trouver la relance nécessaire pour reprendre, poursuivre, commencer autre chose, suite à l'œuvre en train de se faire.
" L'exigence est de produire, non de réussir" disions-nous dans Pratiquer le dialogue arts plastiques-écriture*.
Le non-abouti est sans doute le seul moteur qui permet de poursuivre l'œuvre d'une vie.
Considérer le non-abouti comme fécond remet en cause son propre rapport à la norme sclérosante, renverse son regard, qui peut s'étonner, devenir curieux d'aller chercher ailleurs, inventif de possibles.
Odette dit souvent que chacun décide quand son texte est provisoirement fini. Toute la promesse est dans le "provisoirement".
Comment pourrait-on poursuivre si on venait de produire de l'abouti ?

Ch.L.

* Pratiquer le dialogue arts plastiques-écriture, Chronique sociale, 2005.

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

abouti / inabouti

 
 

 

(Anne-Marie Suire) (1)

Des étagères

Mes tiroirs furibards débordent de ces feuilles, papelards ébaubis, raturés, abandonnés, perdus. L'urgence du quotidien a suspendu l'urgence d'écrire, la relecture a épuisé le souffle, le repentir recouvert la rature. Brouillons transcrits dans la précipitation d'un débarquement de paroles et pensées, comme rejetés sur l'autre rive. Texte en suspend d'un devenir qui n'advient pas.
Mots, descellés de leur socle de silence dans l'arrière-boutique de la conscience, du rêve. Ils avaient amarré leur flottille de fortune sur des pages volantes suspendues depuis aux îles étrangères de mes étagères. Poèmes ébauchés, pensées sans suite, saisies à la volée d'un mouvement de cerf-volant, posées aux fils dérisoires des lignes de la plage page. Dans le jeu des signes, retenus par l'encre noire et l'italique.
Je regarde ces feuillets, comme en exil, cintrés dans leurs costumes de carton-chemise, habillés pour l'éternité ou plus sûrement pour un voyage troisième classe dans la corbeille à ordure. Ils tiendront peut-être jusqu'à mon dernier souffle ou mon prochain déménagement. Un regret, une nostalgie.
Après des mois des années au hasard d'un rangement, à la recherche d'un document, je reconnais à peine le poème inachevé. Des friches presqu'illisibles à moi-même. Tantôt ce sont des souvenirs d'enfance éculés comme un vieux sac. L'émulation, la joie d'écrire avaient fait place au rejet dubitatif, d'autant qu'aucun encouragement n'était venu soutenir l'effort. Alors je tempête contre cette propension à s'épandre sur ses souvenirs, les cajolant comme des enfants prodigues. Les soubresauts de l 'Histoire ont fait tangué tant de vérités que quoi que j'en dise je me sentirais coupable de les trahir. Je voulais seulement tenter de capter au plus près l'effleurement d'un ressenti, le murmure d'une réminiscence.
Écrire me paraît toujours être : écrire autour, et parfois éclairer un peu l'angle qui se tient au fond et que l'on ne peut jamais atteindre.

 

Le texte inachevé se fait aboutissement sans fin.

Parmi tous les livres inachevés que la littérature a pu produire le Premier Homme d'Albert Camus me parut emblématique de la dualité Abouti/Inabouti. Un détour vers l'histoire de ce livre et la biographie de son auteur peuvent-ils nous éclairer sur le sujet ?
En 1951, la publication de L'Homme Révolté crée une controverse entre les amis d'hier, Sartre et Camus, sur fond de désaccords philosophico-politiques, d'interprétations divergentes quant au sens et à la place de l'Histoire. La polémique se prolonge avec André Breton à propos de l'œuvre de Lautréamont. Les critiques font mal. Cependant Camus poursuit ses combats, fait du théâtre, écrit des articles, et dans ces temps troublés, prône la conciliation. Il publie l'Été  et  La Chute, reçoit le Prix Nobel en 1957. Ami de René Char, il s'installe à Lourmarin dans le Vaucluse. Le 4 janvier 1960, c'est l'accident, sur une route de l'Yonne. Dans la voiture, sur la banquette, une sacoche, le manuscrit d'un roman inachevé. En 1959, Camus confie à Jean Maisonseul : « Je n'ai écrit que le tiers de mon œuvre. Je la commence véritablement avec ce livre ». Pendant les Trente-quatre ans qui suivront, les ouvrages de l'auteur de l'Étranger  et de  la Peste  ne cesseront d'être lus, traduits et commentés. Mais pendant ces trente-quatre années, le silence est total quant à ce texte ultime. L'inachèvement du livre et les tensions des dernières années ont dû dicter cette retenue. Enfin, en avril 1994, le Premier Homme  paraît par les soins de Catherine, fille d'Albert. Roman inachevé, cette publication viendrait clore en quelque sorte l'œuvre de l'écrivain philosophe et du citoyen engagé, universellement reconnu.
Est-ce à dire qu'un ouvrage trouverait son aboutissement, (qu'il soit ou non achevé selon le vœu de son auteur), dans la publication et la réception du public ? Chaque lecture étant une nouvelle interprétation comme une réécriture et un prolongement, son ultime achèvement serait alors dans les émotions, et les idées qu'il suscite.
Il en est ainsi pour l'œuvre d'Albert Camus, achevée par un livre inachevé, elle a suscité et continue de produire de très nombreux commentaires, exégèses, articles, études et dictionnaire, qui n'en finissent pas de dérouler le tapis d'un aboutissement sans fin.

 

On pourrait gloser sur la satisfaction d'aboutir

On peut débattre aussi à propos des nuances sémantiques entre les mots : aboutir, achever, finir et terminer. Dans la synonymie de ces termes, je note une légère valeur de satisfaction heureuse pour le vocable : aboutir, dont un des sens est « terminer heureusement quelque chose ».
La question est peut-être : Qui décide de la réussite de l'entreprise, de son heureux achèvement, l'auteur, le créateur de l'œuvre ou son destinataire ? Y-a-t 'il concordance ou concurrence entre ces deux satisfécits ?
Jonas ou l'artiste au travail, une des nouvelles du même Albert Camus dans le recueil  l'Exil et le Royaume, évoque, de certaine façon, cette question de l'achèvement d'une œuvre. Jonas est un peintre reconnu, en perte d'inspiration, il décide de s'isoler pour créer le tableau ultime, au détriment de sa famille dévouée, dans une soupente qu'il construit à même les hauts murs de l'appartement. Après des jours et des nuits de retrait et de veille, dans le plus grand épuisement, il éprouve la plus grande satisfaction, une immense gratitude devant son œuvre enfin aboutie. Son ami qui examine le tableau découvre une toile blanche au centre de laquelle Jonas a écrit en très petits caractères un mot à peine déchiffrable et dont l'interprétation est incertaine. Faut-il lire « solitaire » ou « solidaire » ?
Cette fiction nous confronte aux aléas de la vie d'artiste, à son statut pris entre les mâchoires d'une sociabilité convenue et l'exigeante obstination de la création comme marque d'une individualité singulière et isolée. Elle nous questionne aussi sur ce que voudrait dire aboutir une œuvre. Camus, qui n'a pu terminer son dernier roman, imagine ici l'artiste qui décrète réaliser son dernier tableau et en éprouve une grande gratitude, comme l'accomplissement de sa vie d'artiste ? Mais le tableau qui nous est décrit à travers les yeux de l'ami, nous laisse dubitatif. Tant d'efforts, de sacrifices, d'abandons, pour un tableau blanc, un mot qui est une interrogation… Un presqu'indéchiffrable inaboutissement ???

 

Le chef d'œuvre in-fini

L'œuvre inachevée n'est pas toujours comme on pourrait le craindre une production médiocre, négligeable, à mettre au rebut. Pour finir, à moins que ce ne soit pour continuer, nous évoquerons la figure emblématique de Léonard de Vinci 1452-1519, génie universel qui fit de « la pratique de l'inachevé » un des caractères de son œuvre magistrale.
Des contemporains témoignent de sa lenteur dans l'exécution d'un tableau, et de sa difficulté à achever l'œuvre en cours. Son appétit de découvertes et d'expérimentations, ses recherches les plus diverses englobant tant de disciplines scientifiques, de compétences techniques, et de talents multiples, son goût toujours en éveil pour l'invention, le détournaient souvent des réalisations en train.
Peintre immense pour la perfection de son trait, sa touche, la justesse de ses compositions, la tonalité si mystérieuse et mystique qu'il créait, par le jeu subtil de l'ombre et de la lumière, ces effets de « chiaroscure » et « sfumato » qu'il inventa.
Il fut admiré par quantité des plus grands artistes de son temps (Dürer, Michel-Ange, Raphaël, Corrège). Il exerça une influence considérable sur l'art européen du 16 éme siècle. Il ne produisit cependant qu'un petit nombre de tableaux parmi lesquels certains restèrent inachevés comme Le Retable du Palazzo Vecchio 1478, première commande en tant qu'artiste indépendant, L'Adoration des Mages commencé en 1481, La Bataille d'Anghiari abimée avant son achèvement et dont le carton préparatoire fut considéré (avec un carton de Michel-Ange) par plus une génération d'artistes comme le modèle suprême « L'école du monde ». Il y eut aussi Sainte Anne, la Vierge, l'Enfant Jésus et l'agneau dit le tableau du Louvre.
Cette œuvre, appelée en raccourci la« Sainte Anne »et récemment restaurée, a une longue histoire. Le peintre y travailla pendant vingt ans et laissa le tableau inachevé à sa mort ; il réalisa des dizaines d'esquisses et au moins trois cartons dont certains sont perdus. Un de ses cartons préparatoires dit « de Londres », représente Sainte Anne et la Vierge, l'Enfant Jésus et Saint Jean-Baptiste, il est également inachevé et n'a jamais connu de réalisation selon sa composition. Si on le compare au tableau de Paris, l'évolution de la pensée et les nouveaux choix de l'artiste se révèlent, des hésitations, des partis-pris, des modifications notables : attitudes et postures, décor, le personnage de Jean-Baptiste remplacé par l'agneau, etc. Ces deux œuvres bien que très avancées dans leur exécution offrent des espaces où dessins ou peinture sont encore à l'état d'ébauche, tandis que d'autres parties sont d'un extrême raffinement, d'une grande perfection. La composition y est très étudiée.

Cette œuvre emblématique inspira Freud qui en fit une analyse où il développa ses théories sur la sexualité enfantine. (S'appuyant sur des souvenirs d'enfance relatés dans des écrits de Léonard, ces interprétations furent prises en défaut par de nouveaux commentateurs qui pointèrent des erreurs quant à la biographie et la traduction qui avaient servi de support à la réflexion du père de la psychanalyse. Cependant ce texte de Freud Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci reste lu et commenté pour la théorie psychanalytique qu'il expose). Dans l'essai : Révélation de l'inachèvement, Léonard de Vinci, André Green, à propos du carton de Londres écrit : « Il est une illustration de l'inhibition du peintre qui, trop souvent, arrête son travail avant son terme, sollicité par les appels irrésistibles de sa soif de savoir… ».
Nous retiendrons de Léonard sa recherche acharnée de la perfection et ses innovations qui firent école. On a pu lire que Michel-Ange qui produisit quelques œuvres inachevées, faisait ainsi hommage à son contemporain.

Un autre cas serait celui où le projet de l'artiste est tellement grand que sa vie ne saurait y suffire. L'architecte Antoni Gaudi fit celui, immense, de construire une cathédrale à Barcelone, œuvre de toute une vie, toujours en chantier aujourd'hui plus de 130 ans après. Gaudi avait 31 ans quand commença cette aventure, la crypte du monument fut inaugurée le 19 mars 1885. Il construisit par ailleurs nombre de maisons, immeubles et parcs, laissant à la postérité une œuvre architecturale originale et admirable, mais ce projet, il ne put l'achever. Depuis son décès en 1926, la construction se poursuit. En 2007 sont fêtés les 125 ans de la pose de la première pierre, on espère son achèvement vers 2026. (On peut voir, en haut de cette page, une photo de l'un de ses chantiers, prise en 2006, un pilier devant une forêt d'échafaudages). La Sagrada Família magistrale, d'une grande richesse de styles, de formes, de matériaux dont les travaux continuent selon les plans du maître avec toute une lignée de constructeurs et d'architectes, est une de ces œuvres immenses, qui prennent le temps de plusieurs vies pour se réaliser mais qui sont nées de l'imagination d'un seul homme.

Œuvre unique d'une vie, œuvre improbable. L'obsession du Facteur Cheval à construire son Palais Idéal est aussi touchante. D'autres styles et d'autres moyens, la précarité de ses outils, l'engagement qu'il y mit et l'apparente dérision de sa démarche forcent l'admiration. Avec ses mains et sa brouette, il érige des tours pointues, de drôles de statues, bâtit des alcôves ornées d'architectures miniatures. Il construit le Temple de la nature, le Musée antédiluvien, la lointaine réplique d'un monument égyptien, d'un temple hindou dont le Facteur n'avait sûrement vu que des cartes postales, des châteaux d'infortune pour des géants de pierre. Durant 33 ans jusqu'à son achèvement en 1912, il élève selon son rêve un palais féérique. Puis, il entreprend d'édifier au cimetière d'Hauterives Le tombeau du silence et du repos sans fin achevé en 1922 où il est inhumé depuis 1924. Cheval nous donne l'exemple de l'œuvre aboutie contre toute attente, le rêve devenu réel. Le contraire de tous ces projets fugitifs qui un jour traversent notre esprit comme un courant d'air entre deux portes et qui s'endorment aussitôt entre les circonvolutions de notre cerveau, quelque part au bout d'une synapse, à l'ombre de l'hypothalamus, dans les environs de l'aqueduc de Sylvius ou du trou de Magendie, dans cette géographie cérébrale qui nous fait et nous défait. Parfois quand la vie est trépidante et l'envie déserte, voilà que rejaillit l'idée, l'œuvre à accomplir, la même ou une autre, elle nous taraude de ce tourment qui obsède l'homme : « la recherche de l'absolu » comme disait Balzac. Encore un homme de la grande œuvre, de l'œuvre d'une vie, l'immense Comédie Humaine. Et la peur nous prend devant l'ampleur de la tâche, alors même un projet modeste nous paraît pharaonique et dérisoire. Plutôt ne pas faire, que de se risquer au drame qui emporta Frenhofer, le héros du Chef d'œuvre inconnu. L'artiste génial et raté qui détruisit son tableau, et lui-même, avec son rêve de peinture et son incapacité à éveiller la beauté au bout de son pinceau.

L'inachèvement comme style, l'inabouti signe la modernité

« Ce tableau n'est pas terminé » murmure Bonnard à Édouard Vuillard. Les deux amis sont dans les allées du musée du Luxembourg, à Paris, vers la fin des années 1930. Ils contemplent un des tableaux de Pierre accroché aux cimaises de la célébrité parmi quelques autres de ses toiles. Vuillard voit son ami prendre dans sa poche une petite boite de peinture. « Vous n'allez pas …! ». Bonnard lui demande d'occuper quelques instants le gardien. A son retour le maître est souriant, avec son minuscule pinceau, il a rajouté quelques touches au tableau, un presque rien mais qui à ses yeux méticuleux manquait encore pour finir et faire éclabousser la couleur, épanouir la lumière, donner à voir la vie comme « promesse de bonheur ». En 1946, âgé et endeuillé, il recommence à peindre comme presque chaque année son Amandier en fleurs, comme un feu d'artifice de couleur. En janvier suivant, malade et à bout de force, il contemple sa dernière œuvre, il n'est pas satisfait : « Ce vert, en bas, à gauche, sur la terre au-dessous de l'amandier, ça ne va pas. Il faut du jaune ». Le vieux peintre ne peut plus tenir son pinceau. Il demande à son neveu d'exécuter une dernière correction. Ainsi l'ultime tableau de Bonnard a-t-il été achevé par une autre main.

Des artistes à la fin du 19ème puis au 20ème siècle, contrairement à la compulsion de la dernière touche, vont nous apprendre à considérer l'inachèvement comme la marque d'un style. C'est avec les pastels de Degas que commence à se manifester dans la peinture un intérêt pour le manque, l'incomplet. Rodin fait sortir certaines de ses sculptures prises dans la gangue de la pierre encore apparente (La pensée 1886, La main de Dieu 1902). Dans La repasseuse de 1873, Degas étudie avec science le geste de son modèle, mais le rendu du blanc déconcerte les frères Goncourt. Jugeant qu'il ronge le tableau, les deux critiques l'accusent d'inachèvement. Bien d'autres pastels, parmi les nus, laissent un arrière-plan esquissé, ose l'inaboutissement, comme le moyen de considérer, de montrer l'acte de peindre sur la toile même. Non pas, comme auparavant dans la représentation (avec le sujet du peintre en train de portraiturer tel Les Ménines de Vélasquez), mais dans la composition même l'œuvre, au cœur de son édification. A ce moment de l'histoire de l'art, le sujet du tableau est en train de devenir la peinture elle-même. Les états de l'œuvre, son inachèvement osent se donner à voir avec des plans esquissés, des coulures, des blancs. Ils sont un parti-pris de l'artiste, la marque d'un style. Ils se revendiquent comme signe de modernité. Aujourd'hui, le public s'intéresse à contempler les manuscrits et les notes des auteurs reconnus, (jusque-là affaire des seuls spécialistes et autres littérateurs).Certains éditeurs les publient ou les expose. Parfois les plus anciens sont numérisés sur l'Internet, disponibles au plus grand nombre. Ils offrent une intimité nouvelle avec l'acte de créer car nous voulons, nous espérons que cette lecture, cette contemplation pourrait nous révéler quelque chose du mystère du génie littéraire ou artistique en train de se manifester. L'inabouti a trouvé, au cours de toutes ces années, un statut nouveau qui est la marque d'une époque. D'autres recherches ont aussi pris en compte, dans l'acte de créer, le rebus, l'affiche lacérée, le reste détourné comme invitation à voir le monde et l'art autrement.

Ainsi l'aboutissement a-t-il pu prendre la forme d'un inachèvement. Certaines de ces œuvres comme en suspens, dans leur mystère, veulent offrir au spectateur en négatif l'image furtive et parfaite de la totalité, celle de l'œuvre sans fin. Ce qui n'est encore qu'esquissé, suggéré, révèle le moment de sa création, sollicite l'interprétation, appelle l'imaginaire à sa guise, interpelle la sensibilité. Lorsque l'œuvre est sublime dans son inachèvement, a contrario de ce qu'elle montre, cette part en suspens voudrait-elle nous faire nous mettre à l'épreuve d'une parcelle d'infini, un moment d'éternité ?

 

A-M. S.

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

abouti / inabouti

 

 
 

 

(Monique D'Amore)

"A priori, deux chantiers pour une même problématique : abouti/non abouti concernerait le jugement du producteur du texte, lisible/non lisible davantage celui du lecteur. Deux places que j'occupe alternativement, bien sûr.

Je ne propose pas le texte ci-dessus à la publication parce qu'il ne me paraît pas abouti. Après l'avoir laissé décanter (le 13 septembre, j'en étais satisfaite !), voilà qu'il m'apparaît hiératique, sans chair ni passerelles pour le lecteur. Ce dernier n'a pas eu le temps d'y entrer qu'il se retrouve dehors, comme éjecté. Texte hermétique qui ne permet pas de lui offrir une traversée.

En fait, c'est tout simplement comme ce texte : on voudrait partir pour une aventure, comme celle de l'écriture par exemple. Tout nous sollicite, il n'y a qu'à tendre la main, même on se sent prêt ! Le train est parti, le voyage intérieur s'est fait... mais le silence n'a pas été rompu.

Il faudrait pouvoir résoudre cette difficulté. C'est souvent un (mon) obstacle : le "texte" ne demeure qu'une intuition et ne trouve pas matière. J'imagine des miroirs qui permettraient qu'il échappe à mes questions personnelles, trouve un circuit interne pour réfléchir par lui-même. Miroirs desquels je me serais déprise, autant de portes d'entrée pour un lecteur. Peut-être.

Il ne s'agit que d'un a priori. Demain j'écrirais autre chose."

M. D'A.

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

abouti / inabouti

   

(Jeannine Anziani)

"Dans « abouti », je lis « à bout » !
A bout, au bout, fini, terminé.
Quand peut-on dire qu’un texte est abouti ? Très mystérieux.
Et puis abouti pour qui : l’auteur, le lecteur ?
Néanmoins, je vais essayer de me plonger dans cette sombre énigme !

Une ballade, un rêve poétique, ou du rire ou pleurer mais en beauté, dans une sorte de grâce. J’ai cheminé à son côté – du texte – des fois très loin, parfois tout près.
Ah, aussi, quand même, j’ai réfléchi, des fois juste une idée à développer, parfois des jours (et des nuits) entiers à cogiter. En tout cas je suis rassasiée. Dans l’abouti.
L’auteur m’a amené à un bout. Je peux même continuer la route, seule.

Au contraire,  si après être arrivé au point final d’un bouquin ou d’un texte, je reste sur ma faim, avec une sorte d’insatisfaction ou même si carrément j’ai abandonné la lecture avant la fin, voilà du non abouti.
Ceci était le point de vue de la lectrice.

En tant qu’auteur, que puis-je ajouter ? Pour moi le texte est terminé quand je n’ai plus rien à dire, quand j’estime que la boucle, même imparfaite est bouclée.

Le phénomène est totalement subjectif !"

J. A.

 

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

 

abouti / inabouti

 

.

 
 

 

(Geneviève Bertrand & Richard Richard)

"Aboutir
C’est toucher par un bout – arriver au bout
Le bout du chemin, le bout du tunnel, le bout du conflit,
On peut toujours ajouter un bout au bout, comme les briques d’une maison.

A savoir que les grandes choses sont composées de petites.
Le tout est en interaction, du plus petit au plus grand.
De l’atome à l’infini, des deux, lequel est le plus abouti ?

Ou rester en deçà………du bout des lèvres, du bout des doigts
Pas abouti

On se pose souvent la question du fini :

Quand peut-on affirmer que l’œuvre est-elle aboutie ?
On ne le sait jamais, on en a juste l’idée, comme une illusion
Les frontières sont floues, nous naviguons dans une relativité toute absolue, aléatoire entre abouti et non abouti.

Aboutir …. Au jardin,  à la paix, à la guerre, au mariage… ????

Et si aboutir une œuvre consistait à être dans le mouvement même de sa propre intentionnalité
S’il s’agissait du passage même de « l’abouti »  à « l’abouti » suivant
Sans autre « bout » que sa propre affirmation – sans référence extérieure
Si ce n’est cette jubilation, ce tremblement de savoir que « c’est fini »
Si ce n’est ce moment d’avancée dans une recherche

-     Le physicien Leonard Susskind a toujours peur  d’apercevoir un éléphant dans le salon quand il annonce un nouveau paradigme de physique- L’abouti reste transitoire et laisse place au doute

Aboutir serait  synonyme de « Éditer », «  Exposer » « publier »
Passage de l’étude, du carnet de notes, des tâtonnements écrits, dessinés, des échanges végétaux ------------------à ce travail « abouti » à un instant T
Qui se veut « jusqu’au-boutiste » du moment présent – pointe avancée dans la créativité – c’est à dire la sortie de soi, de l’écoute de la parole de l’autre

Lcrivain Albert Camus termine son roman « l’étranger » par une page de Neige, une page blanche pour le lecteur, une page d’introspection avant la boue du lendemain. Peut-on dire qu’Albert Camus use de cette métaphore pour nous laisser le droit d’aboutir son roman ? Pourrait-on avancer que l’œuvre est aboutie quand elle est sacralisée ?

Aboutir
Œuvre écrite ou peinte ou chantée ou bouquet – qui garde la mémoire du Beau, transmet un peu de l’émotion fondatrice
L’urgence d’une date butoir qui oblige à trancher, se dépasser, franchir sa limite
Accouchement parfois prématuré – exigence de vie

Aboutir
Moment du Risque
Celui du regard de l’autre, de l’abandon

Voyage jusqu’à l’autre
On peut envisager l’abouti comme le moment du repos, de la transmission,du passage, du don.

Voyage-processus qui peut parfois se donner à voir à travers l’œuvre elle-même
Peinture qui laisserait apparaître les divers moments et matériaux de sa constitution

-     Le peintre Monticelli était érudit dans la chimie des huiles. Il connaissait leurs valeurs, mais surtout il avait expérimenté leurs vieillissements. Il combinait sur ses toiles des couches successives de peintures en sachant que le temps modifierait les rapports colorés de ses couleurs. Monticelli jouait avec l’aboutissement de son travail, en lui donnant plusieurs vies.

 -    Paul Cézanne est le premier peintre moderne à théoriser l’emploi du blanc dans la composition d’une toile. Plage de liberté pour l’œil du spectateur - devenu sujet à organiser un «abouti » qui lui est propre ?? 

-     Le peintre Pierre Bonnard ne pouvait pas aller revoir ses toiles déjà exposées sans son matériel pour d’éventuelles retouches. Il avait toujours peur du non abouti. 
Notre espace-temps bouge et avec lui la musique, la peinture, le paysage.

 La musique connaît de multiples interprétations : chaque interprétation est nouvelle création, nouvel « aboutissement »

 L’écrit passe de mains en mains, se continue dans l’oralité, et plus encore.
La peinture se transforme chimiquement, ainsi que sous l’œil du spectateur co-auteur.

 

    Le non abouti lisible en filigrane dans l’abouti – y compris dans l’expérience quotidienne.

Ma langue a fourchée, j’ai fait un lapsus… sont des déchirures dans l’oralité, ou des messages non aboutis. Ils sont là pour nous rappeler que le langage est un monde à re-interpréter sans cesse.

Etre au bout… ...être à bout
            alors débouter : déclarer par arrêt une personne déchue d’une demande.
                                       rejeter   refouler dans le non dit

A-----boutis * (voir historique ci dessous)
            Comme une aiguille à bout rond qui tisse et brode un imaginaire en relief de coton sur l’inabouti quotidien.

Boutis  

Comme un acte de rébellion qui sauvegarde le plaisir
Activité de contrebande par où circule l’imaginaire
Création d’un langage clandestin à la marge de la langue officielle

 

De la fibule à l’aiguille
C’est de création et de partage qu’il s’agit
Dans le mouvement même de l’accomplissement
Toujours reporté

Quel que soit le travail créatif, le domaine dans lequel il s’exerce, on mesure sa vulnérabilité à travers cette question de l’aboutissement. On ne  peut l’envisager que dans sa dimension de partage, dans le laisser vivre, dans un voyage où on doit considérer l’autre comme partie prenante dans la relation de création.

L’oeuvre « aboutie » peut alors se concevoir comme un passage d’énergie.

             D’un côté un intense appétit à transmettre, de l’autre une intense capacité à  recevoir et trans-poser

Boutis : comme le terrain où le sanglier a fouillé avec son boutoir (groin) pour chercher des racines.
Lieu d’une expérience vitale qui va au delà de la surface des apparences vers la profondeur de l’être, la nourriture première

Abouti/ pas abouti ?  On peut écouter Jean Giono :

« Quiconque a senti un jour de printemps sur les plateaux sauvages l’odeur amoureuse des fleurs de châtaignes comprendra combien ça compte de fleurir souvent ».

La création, même si elle n’aboutit pas,  porte  sens,  langage,  vie,  rêves, espoirs"

G. B. et R. R.

*« Boutis » en provençal désigne l'aiguille à bout rond grâce à laquelle on introduit le coton dans les motifs, par extension cela désigne l'ouvrage réalisé par la brodeuse avec cet outil.

L'ancêtre du boutis est arrivé en France au XVII siècle grâce aux ports, dont celui de Marseille.
Le succès de ces étoffes est tellement grand que les soyeux de Lyon (et autres drapiers) font pression sur Louis XIV pour qu'il les interdise. Cela devient alors un signe de rébellion
pour les femmes de continuer à porter plus ou moins cachés des vêtements confectionnés avec ces tissus, et un réseau de contrebande s'installe qui fait que cette activité ne meurt pas tout à fait. C'est grâce à cette interdiction, si l'on peut dire, qu'est né le boutis.
En effet, les femmes ont mis à contribution leur imagination
et à partir de ces tissus blancs ont su créer une nouvelle façon de broder.

Au XVII° et XVIII° siècles des ouvrières provençales créèrent un véritable art avec tout un langage symbolique. Elle pouvait ainsi parler de sa vie, de ses espoirs, de ses rêves grâce aux symboles dont elle disposait.

http://faireduboutis.free.fr/historique.htm

 

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

abouti / inabouti

 

 

 
   

 

(Marie-Christiane Raygot)

Écrire
Au début, il n'y a rien. C'est aller vers rien. On ne voit pas vers quoi on veut aller. Ça part d'une poussée – non, ce n'est pas ça. C'est un silence désespéré, une espérance insaisissable, et les heures passent. On patauge dans l'attente, quelque chose de vague, mais qui pèse, qui englue, sans forme, sans nom.
Au début, ça part de rien. Une mélancolie à rejoindre, d'abord légère puis radicale, qui ne tente rien pour trouver un soulagement. On laisse alors couler les heures allant d'insignifiances aux routines quotidiennes. On oublie même l'alerte première. Peu à peu, on s'en défait. On respire, on marche, on est là, on regarde, le ciel déborde, on pense à ceux à qui tout cela a été retiré. Et soudain, soudain sans comprendre pourquoi à ce moment-là l'élan du début revient, l'intériorité explose. Ils prennent forme. Des mots se sont greffés au vide. Enfin on va écrire. On oscille, étire, on développe, la page s'élargit. C'est comme ça : l'irrémédiable de l'écriture à la fois résiste comme une pierre et comme une masse de possibles.


M
.-Ch. R.
(2009-2010)

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

 

abouti / inabouti

 

 

 
 

(Annie Christau)

Il y a peu de temps je lisais le dernier roman de Philippe Djian Incidences. J’admire l’écriture de cet auteur même si ses sujets sont parfois étranges, je dévore ses livres en deux soirées maximum.
Donc dans le dernier, il est question d’écriture car le héros est professeur d’université et enseigne cette matière. Il dit à ses élèves « d’écrire avec l’oreille » et ça je dois dire que c’est tout à fait ce que je pense.


Soyez musicien, architecte, peintre en même temps qu’écrivain. En cela la poésie est la meilleure façon d’apprendre à écrire avec l’oreille, à construire, à ordonner à partir du son.. Soyez poète avant d’être romancier.


Notre musique est notre style et si nous ne faisons pas de fausses notes, le texte est abouti et recevable. On perçoit la musique de l’autre par rapport à sa propre musique, ainsi la lecture à haute voix peut donner un sentiment différent par rapport à la qualité du texte.
Pour ma part, je sais qu’un texte me plait quand il s’accorde à ma musique intérieure, quelque soit le sens de ce texte. La mise en voix des textes est une façon de faire découvrir des auteurs , il n’y a pas d’écriture sans la musique des mots.


A. C.

Répondre
Cette commande  permet d'envoyer un courriel à la revue...

abouti / inabouti