Filigranes N°23

"Cursives"
Entretien avec
Marc Lasserre
(nouvelle mise en page)

Filigranes N°29

"Réponse"
Texte de Marc Lasserre

Filigranes N°73

"La fuite"
Texte de Marc Lasserre

Filigranes N°30

"Le vieux"
Texte de Marc Lasserre

Marc Lasserre

Hommage de Filigranes à Marc Lasserre
Séminaire 1997
Pour lire en ligne
: cliquer sur l'image

 

(c) "A Filigranes pour ses 25 ans !" M.L.
Reproduction d'un fragment de l'oeuvre originale
Corps et graphes découpée et insérée dans chaque exemplaire de “1000 maisons + UNE” (N°73 - Février 2009)
Pastels à l’huile secs et tempera sur kraft bleu clair.

 

Marc Lasserre nous a quittés le 31 janvier 2011.

Nous sommes tellement tristes ! Nous voulions l'appeler pour lui "sonner les cloches", car nous étions quelques-uns à trouver qu'il ne donnait pas assez de nouvelles. La maladie a eu le dessus. Certes, nous le savions atteint, mais l'espoir nous habitait quand même.

Comment imaginer que Marc ne soit plus notre correspondant lointain, toujours un peu bougon, un peu pessimiste : plein d'espoir malgré tout dans une humanité qu'il voulait plus juste, humaine et fraternelle…

Nous avons longtemps cheminé de concert, au GFEN (Groupe Français d'Éducation Nouvelle), à la revue Filigranes. De stages en week-ends, d'ateliers en ateliers, de Simiane-Collongue à Digne et Aubagne, nous avions appris à apprécier son érudition, son art, sa rigueur. Son sens des couleurs. Sa connaissance intime des matériaux. Son goût des controverses aussi, nous passions de longs moments à discuter de telle ou telle consigne, jusqu'à "on verra bien au moment de l'animation !"

Peintre et poète, Marc était aussi un lecteur insatiable, spécialiste de la recherche de citations susceptibles d'accompagner les moments d'analyse et de réflexion.

Parce qu'il était engagé dans le siècle et dans la création, les apports qu'il a faits au livre "Pratiquer le dialogue arts plastiques / écriture", publié en commun avec Antoinette Battistelli et Christiane Lapeyre sont légion. De chapitre en chapitre, de biographie en atelier, de Bacon à Picasso & Matisse en passant par Boltanski et tant d'autres, ce livre à chaque page est tramé de ses contributions…

Il nous reste des traces de sa création, de son oeuvre écrite et peinte. Nous en donnons ici un aperçu émouvant. D'autres viendront certainement s'ajouter encore, cachées dans quelque disque dur.

C'est là notre manière de nous souvenir de l'ami Marc.

Odette et Michel Neumayer
et le Collectif de Filigranes

 

"Voilà six mois que je n'ai pas peint.
Je pourrais, matériellement, me remettre au travail immédiatement, mais...
Une toile est là, inachevée, chaque jour un peu plus lointaine, Culpabilisante ; elle devient exécrable. De même, les toiles antérieures, certaines retournées contre le mur, d'autres devenues simples éléments de tapisserie qu'il faudrait d'ailleurs changer, arracher (un bon coup de blanc...).
Mais les plafonds se fissurent et les murs se lézardent et tout reste en suspend, même la poussière, je suis mal dans ma maison et ne me retrouve pas dans ma peinture...
Reboucher les fissures, puis, un bon coup de blanc... pour retrouver, Peut-être, le bonheur de combler le vide."

M. L.

 

 

Il pleut.
Le ciel est vide ;
y fuse pourtant, pour s'y perdre
l'artillerie fervente de millions de prières,
balles traçantes, phosphorescentes, alléluia !...
Pétards mouillés.
Homme aveugle, le trait du divin Néant
te cloue au sol et tu t'accroches
à la hampe que tu embrasses avec reconnaissance !

Vide, aussi, la terre
où celui-là dérive
à jours perdus
en mer de foultitude
au cœur de personne.

Vide, aussi, la maison
puis le flacon
et la tête
alouette !...

Il pleut des hallebardes
du haut de la nuit blanche
vers le goudron noir.

Et l'eau a un goût salé
lorsqu'il ferme les yeux.

M.L.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Dans le blanc ou le noir,
L'infini des possibles
la quiétude du non acte
l'excitation de l'esprit sans contrainte
hors de tout regard
l'illusion d'un temps sans borne
en cet espace de totale liberté.

Alors, retarder toujours plus l'arrivée
fatale de la tâche réductrice
puis la brèche infime
où s'insinuera la lumière destructrice
telle un flot qu'il faut endiguer.

Un peu plus tard,
la joie désespérée de combler les fissures,
l'accumulation de lapsus, de ratures.

Enfin un regard amer,
sceptique sur cette trace
devenant inopportune et dérisoire.

M.L.

 

 

 

 

O nid, ô niche,
ô refuge
- Et même

Si jamais refuge
Ne fut trouvé

Très secourable fut
La notion de refuge.

Guillevic

Refuges

Souvent, dans la langueur des dimanches après-midi sans fin, sous le bureau de chêne rescapé d’une administration quelconque après un passage par la salle des ventes, il campait, au neuvième étage d’une tour.
Trois tiroirs ouverts de chaque côté figuraient des murs latéraux. Sous le plateau, le fond clos finissait de délimiter un espace où le gamin se blotissait. Sur le devant, une chaise. Un drap recouvrait l’ensemble. Entre le dossier de la chaise et l’assise, il avait ménagé une ouverture figurant au gré des aventures, un pare-brise, un cockpit ou plus simplement la fenêtre d’une hutte.
Ici, il affrontait les pires intempéries nées de son imagination. Plaisir et frissons mêlés. La tombée de la nuit n’y était pas source de crainte, au contraire, sitôt que sa lampe de poche éclairait ce petit univers protecteur. Il avait le sentiment de maintenir les périls à distance.
Au seuil du sommeil, engoncé tout habillé dans son sac de couchage, l’homme éteignit l’éclairage de camping à gaz posé à même le sol. La tente, arrimée au tronc d’un chêne du Bois, en bordure du boulevard périphérique, vibrait sous les rafales d’un vent glacial.
S’endormant, il s’efforçait de ramener à lui les images de cette époque insouciante où la cabane n’était qu’un merveilleux jeu d’enfant.

M.L.

 

 

 

 

Accueil

Avec constance, lorsque
la mémoire
les réveille
et les anime,
les ombres chères qui m’habitent ouvrent
portes et fenêtres sur des intérieurs à l’image étonnamment précise.

Elles déambulent à l’envi en ces lieux,
m’y conduisent, m’accompagnent.

Ainsi,
pour le temps
qui me reste, passant les seuils des souvenirs,
je les héberge
en une dernière mais vivante demeure
qui les rassemble toutes.

Marc Lasserre